Contrats de management hôtelier inversé : un succès entre propriétaires et enseignes hôtelières

COMMENT EN FRANCE, LES PROPRIETAIRES ET LES ENSEIGNES  HOTELIERES NEGOCIENT AVEC SUCCES LES CONTRATS DE MANAGEMENT HOTELIER INVERSE  

 

Le contrat de management hôtelier est un contrat entre une société de management hôtelier (le gestionnaire) et un propriétaire d’hôtel, au titre duquel le gestionnaire assume l’entière responsabilité de la gestion opérationnelle de l’hôtel, en fournissant tous les services nécessaires à cet effet (direction, supervision, expertise…) au travers des méthodes et procédures éprouvées.

Pour un propriétaire (fonds d’investissement  / institution financière..) les principaux objectifs sont de :

  1. sélectionner le gestionnaire qui maximisera la profitabilité et donc la valeur de son actif,
  2. sécuriser dans les meilleures conditions possibles les termes du contrat conclu avec le gestionnaire par lequel il se décharge totalement  de la responsabilité de l’exploitation
  3. veiller en même temps que la rémunération du gestionnaire soit en relation avec sa performance dans l’atteinte ou le dépassement des résultats.

Il est convenu que le  gestionnaire doit faire bénéficier le propriétaire de son expérience et de son savoir-faire, notamment sur les procédures de gestion et d'organisation de l'hôtel en matière de ressources humaines, même si de façon générale, le propriétaire de l'hôtel reste dans les contrats de management classiques juridiquement l'employeur du personnel. 

Les ressources humaines d’un hôtel constituent un atout essentiel de réussite et de valorisation de l’image de l’entreprise. Il n’en demeure pas moins que d’un point du vue purement financier, la masse salariale représente un poste élevé de dépenses[1]. Elle peut également, si sa gestion n’est pas structurée, constituer une importante source de risques juridiques et sociaux.

Or, le propriétaire peut se trouver responsable des stratégies élaborées en matière de ressources humaines. Celles-ci peuvent, en pratique, être décidées exclusivement par l'opérateur hôtelier, en charge de l’opérationnel et seul sachant en matière d’hôtellerie.

Certains propriétaires financiers ne s’engagent que sur des contrats de managements hôteliers inversés. Dans ce type d’opération, le gestionnaire est l’unique employeur du personnel de l’hôtel.

 

Comparaison rapide avec les contrats de gérance  hôteliers
 
Avec le contrat de location gérance, le locataire gérant est, de par la loi, le locataire du fonds de commerce à ses risques et périls et seul employeur du personnel. Le recours au contrat de location gérance offre donc apparemment beaucoup de simplicité. Mais pourquoi les gestionnaires hôteliers n’y recourent ils pas alors plus fréquemment ?
 
En fait, le gestionnaire hôtelier accepte d’être l’employeur du personnel, mais sous réserve de pouvoir en répercuter la charge sur l’hôtel exploité. 
 
C’est tout l’enjeu des négociations du contrat de management hôtelier inversé : organiser de manière contractuelle la gestion du personnel.
 

Le propriétaire va se montrer alors tout particulièrement vigilant sur la négociation des points clés des contrats afférents à l’encadrement du personnel. Seront ainsi particulièrement examinés, les conditions et les standards de la marque que leur soumettent les enseignes notamment sur la gestion des ressources humaines.

Le propriétaire doit en effet contrôler son gestionnaire sur l’exécution du contrat. L’objectif est notamment d’assurer une rentabilité réelle au projet.

Une stratégie de négociation avec l’enseigne s’établit alors en hiérarchisant les clauses essentielles du contrat en la matière,  avec celles non négociables et celles discutables et la fixation d’objectifs définis et une vision claire des intérêts juridiques et financiers du propriétaire.

 

DESCRIPTION DU PROCESSUS  D’ELABORATION DU CONTRAT DE MANAGEMENT HOTELIER INVERSE

Le propriétaire procède parfois par appel d'offres pour sélectionner le gestionnaire de l’hôtel.

Le propriétaire demande souvent, et en pratique donc impose dans son « term sheet », que le gestionnaire soit l’unique l'employeur des salariés de l’hôtel. Le gestionnaire qui sera sélectionné, va dès lors proposer un contrat de management hôtelier extrêmement détaillé pour couvrir son risque d’exploitation du personnel.

Le contrat de management hôtelier inversé stipule souvent que le gestionnaire est l’employeur unique du personnel de l'hôtel, en ce compris le directeur général de l'hôtel.
 
Le gestionnaire sera, de son côté, extrêmement vigilant à ce que toutes les dépenses qui relèvent de la gestion du personnel soient bien traduites en frais d’exploitation de l’hôtel.
 

A ce titre, le contrat précise en général que le gestionnaire exerce seul l’autorité sur le personnel (pouvoir de direction et pouvoir disciplinaire). Le gestionnaire se voit attribuer l’ensemble des droits/prérogatives et obligations attachés à sa qualité d’employeur en matière de relations individuelles et collectives de travail conformément à la réglementation française applicable. Il assure donc notamment (sans que cette liste soit limitative) :

  • la sélection, le recrutement, la formation, la gestion administrative (suivi des absences, congés etc.), la gestion de carrière (avancement, promotion) et la fin des contrats du personnel ;
  • la fixation et le versement chaque mois de l’intégralité de la rémunération du personnel ;
  • la détermination des conditions de travail ;
  • l’élaboration et la tenue de l’ensemble de la documentation et affichages obligatoires ; 
  • l’organisation des élections professionnelles, l’ensemble des relations avec les partenaires sociaux (institutions représentatives du personnel, syndicats).

Mais ces stipulations, utiles, doivent être confirmées « dans les faits ». En effet, le propriétaire doit impérativement, en pratique, s’interdire de donner des ordres et des consignes aux salariés. A défaut, ces dispositions contractuelles n’auraient aucune valeur. Elles ne pourraient pas exonérer le propriétaire de son éventuelle responsabilité.

Les parties conviennent dans le contrat que la désignation du directeur général (parfois celle des postes clé également) sera soumise à l’approbation préalable et écrite du propriétaire. Ce dernier n’a cependant pas de droit de veto : il ne peut différer ou refuser son accord de manière déraisonnable.

 

A titre d’illustration, pour ne pas bloquer la direction de l’hôtel, les contrats de management hôtelier prévoient souvent que le propriétaire ne pourra pas rejeter plus de deux candidats proposés par le gestionnaire pour le poste de directeur général.

De même, les contrats imposent au gestionnaire de communiquer la rémunération du directeur général de l’hôtel au propriétaire lors de l’embauche, puis par la suite dans le cadre de la procédure budgétaire tout au long du contrat.

Les critères du gestionnaire en termes de rémunération, de retraite ou de participation des salariés de l’hôtel, sont souvent établis à la lumière des usages des hôtels de catégorie comparable. Ces critères font régulièrement l’objet de benchmark par comparaison à ceux des hôtels concurrents pré-identifiés entre le gestionnaire et le propriétaire.

Les parties doivent également porter une attention particulière aux clauses dites « coûts du personnel de l’hôtel » (couvrant notamment les coûts de recrutement, de rémunération, d’avantages, de primes, de participation, de licenciement et autres dépenses, charges sociales, impôts et taxes (CVAE incluse).
 
Ces coûts doivent être mentionnés de la manière la plus exhaustive possible en intégrant notamment : les dettes, les réclamations, les coûts divers, mais également les honoraires raisonnables des conseils juridiques, ainsi que tous les coûts et avantages liés aux contrats des expatriés et à la demande et à l’obtention des permis de travail et visas). Ils seront évidemment refacturés par le gestionnaire à l’euro et pris en charge par l’hôtel en frais d'exploitation.
 


La question des salariés étrangers employés par l’hôtel.
 
Concernant les salariés étrangers employés par l’hôtel, dans la mesure où cela est autorisé par le propriétaire, ce dernier demande essentiellement  que le gestionnaire supporte seul les risques inhérents à de telles embauches.
 
Seul employeur, le gestionnaire doit effectuer toutes les formalités nécessaires au dépôt et à l'obtention des visas et des permis de travail des salariés.
 
Le coût de ces demandes et des conseils juridiques, fiscaux et autres nécessaires pour obtenir ces permis et visas, et pour négocier et signer les contrats d'embauche des membres du personnel expatriés seront répertoriés comme frais d'exploitation de l’hôtel.
 

La fin du contrat de management hôtelier
 
A la fin du contrat de management hôtelier, par expiration ou résiliation anticipée pour quelque raison que ce soit, les salariés sont transférés de plein droit au propriétaire du fonds de commerce ou au nouveau gestionnaire de l’hôtel. Cette situation, qui résulte de l’application de l'article L. 1224-1 du Code du travail est souvent rappelée dans le contrat.
 
Le contrat peut préciser, par ailleurs que, si les conditions prévues par l’article L. 1224-1 du Code du travail ne sont pas réunies, le propriétaire doit s’engager à consacrer ses « meilleurs efforts » afin d’assurer le transfert des salariés vers un éventuel nouveau gestionnaire de l’hôtel.
 

Le propriétaire demande, quant à lui, contractuellement que le gestionnaire l’informe du contenu des accords et des transactions conclus avec le personnel, ainsi que des coûts qui en résultent. Il impose contractuellement un droit de veto sur d’éventuels accords qu’il pourrait juger disproportionnés[2]. Mais de telles pratiques restent sujettes à précaution. En effet, en imposant de telles pratiques, le propriétaire de l’hôtel court le risque que son « contrôle » soit considéré comme une « immixtion » dans la gestion du personnel de l’entreprise. Si cette intrusion devenait trop importante, il ne peut être exclu qu’elle emporte la reconnaissance de co-employeurs des salariés. De même, la rémunération « forfaitaire » de telles opérations, lorsqu’elle existe, doit impérativement être examinée à la lumière des règles relatives au marchandage et au prêt de main d’œuvre à but lucratif.
 

Si l’hôtel vient à cesser son activité, les parties prévoient dans leur contrat que c’est bien au gestionnaire de procéder au licenciement du personnel de l’hôtel. Dans le contrat de management, le propriétaire s’engage alors à rembourser au gestionnaire, intégralement et sur justificatifs les frais de licenciement, les indemnités de toute nature, les frais de contentieux et, d’une façon générale, toutes les sommes dues au personnel de l’hôtel ou aux organismes sociaux (sauf faute du gestionnaire bien sûr).
 

Le contrat  de gestion hôtelier mentionne ainsi souvent que cet engagement contractuel est subordonné à la double condition que le gestionnaire ait consacré ses meilleurs efforts  pour :

  • transférer ou reclasser le personnel de l’hôtel, ou
  • que la procédure d’information et de consultation sur les licenciements ait été valablement engagée par le gestionnaire dans un délai raisonnable  (par ex au plus tard 3 mois avant l’arrivée du terme ou de la prise d’effet de la résiliation du contrat de management hôtelier).

 

Le cas juridiquement et financièrement sensible du transfert ou du reclassement du personnel dans d’autres établissements : le gestionnaire impose tout particulièrement au propriétaire que celui-ci lui rembourse tous les frais et, d’une façon générale, toutes les sommes dues au personnel ou aux organismes sociaux en relation avec ce transfert ou ce reclassement.

S’agissant des modalités du règlement des sommes dues au gestionnaire par le propriétaire en la matière : le gestionnaire impose nécessairement un mécanisme de remboursement sur factures sans délai via une autorisation de prélèvement sur le compte bancaire de l’hôtel.

De surcroît, le gestionnaire demande une garantie financière du  propriétaire, en contrepartie de la gestion et de la prise en charge du personnel de l’hôtel.

 

En conclusion : le contrat de gestion hôtelier inversé n’est pas la pratique la plus répandue par les opérateurs hôteliers. Ils en acceptent les contraintes en contrepartie notamment de sa grande simplicité de mise en œuvre et des garanties qu’ils peuvent obtenir. Chacun des co-contractants peut mesurer, dès la conclusion du contrat, l’ampleur et les limites de ses engagements.

 

Christopher Boinet et Stanislas Dublineau

Avocats  In Extenso Avocats

 

 



[1] Masse salariale : dans les hôtels de prestige, à raison d'un employé en moyenne par chambre, égal à 40 % du CA, voire 30 % en hôtellerie 3 ou 4*
[2] Les montants accordés dans ces accords seront visés là aussi comptablement, comme des frais d'exploitation.
 

 

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