La baignade urbaine : des enjeux de réappropriation de l’espace public et d’un droit à la ville

Ce week-end a eu lieu à Paris la 3e édition de l’Open Swin Stars inspirée de la traversée de Paris à la nage qui s’est disputée sans interruption de 1905 à la fin des années 50 à Paris dans la Seine. Près de 1 500 participants ont ainsi pu nager dans le canal de l’Ourcq et le bassin de la Villette.  Il est bon de rappeler qu’au début du siècle dernier, les rivières en milieu urbain - et notamment la Seine - étaient des hauts lieux de baignade. Cette pratique s’est vue fortement encadrée puis totalement interdite à partir des années 1920 à Paris en raison de la pollution des cours d’eau, des préoccupations liées à la sécurité des baigneurs associées à l’explosion des piscines artificielles dans les années 1930.

La Seine au siècle dernier.  A droite : 350 nageurs sous le pont National à Paris en 1934 – A Gauche : «la baignade du Port-à-l’Anglais» sur les bords de Seine entre Vitry et Ivry dans les années 1960.

Il faut attendre les années 1980 pour que les villes se réconcilient progressivement avec leur fleuve : Bordeaux, Lyon, Paris se réapproprient progressivement leurs berges et les projets d’aménagement associés à la piétonisation transforment progressivement ces espaces en lieux de rencontres, de détente et de balade.

Mais ce retour aux quais ne s’accompagne pas pour autant d’un retour à l’eau. Dès lors, des initiatives spontanées se développent et l’on revendique aujourd’hui un « droit à la baignade », renforcé ces dernières années par les effets caniculaires que tout le monde connait. Les « baignades pirates » se multiplient et il n’est pas rare de croiser en été à Paris des baigneurs sautant dans la Seine, dans les fontaines ou nageant dans le bassin de la Villette*. Plus qu’un moment de détente simple et gratuit, c’est pour beaucoup un acte de réappropriation d’un bien commun, un acte de résistance face à un espace public devenu trop réglementé ou privatisé ou encore une revendication pour un espace public plus festif, plus « fun ».

*Voir à ce sujet le collectif « le laboratoire des baignades urbaines expérimentales » qui gère un observatoire des différentes initiatives existantes à ce sujet et travaille à la réappropriation des fontaines et canaux de la capitale.

Les aménagements suivent doucement : à côté du miroir d’eau à Bordeaux, véritable succès en termes d’appropriation, Paris s’est engagé dans un plan « nager à Paris ». A Berlin, une péniche transformée en bassin de nage est ouverte en 2004 et à Londres un projet de piscine flottante financée par crowfunding est à l’étude. 

Au début de l’année, le Pavillon de l’Arsenal, en partenariat avec la Ville de Paris lance « Faire Paris », le premier accélérateur de projets urbains et architecturaux innovants. Parmi les 25 lauréats, deux mettent à l’honneur l’eau et la baignade : la piscine écologique flottante de l’agence BASE et le pont trampoline gonflable de l’agence parisienne ASC. 

A l’occasion de la journée mondiale de l’eau, la métropole du Grand Paris s’est engagée à rendre la baignade possible dans la Seine en 2024. D’ici-là, les parisiens pourront profiter à partir de cet été de la première baignade en eau naturelle au bassin de la Villette grâce à l’aménagement d’une structure flottante de 1500m².

Article écrit par Chloé Le Roy, consultante

 

 

 

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